O ignee spiritus

Blog Scola Metensis-manuscrit de Hildegard von Bingen

 

 

Le dimanche 23 février 2014 la Scola Metensis a donné  son deuxième concert de la saison de Musique ancienne à l'Arsenal de Metz, salle de l'Esplanade.

 

 

Le titre, O ignee spiritus, est l'incipit d'une hymne de Hildegard de Bingen pour un programme entièrement centré sur cette ardente abbesse rhénane, une des premières femmes compositeurs de l'histoire de la musique occidentale.

 

Cliquez sur les images pour les agrandir.

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« Ô Souffle de feu » : la métaphore ignée est très présente dans l'œuvre de la moniale visionnaire, appelée de son vivant prophetessa teutonica.

 

Une enluminure d'un de ses manuscrits la montre en train d'écrire, des flammes lui descendant sur la tête. 

Née en 1098, de parents nobles, près de Mayence en Rhénanie-Palatinat, Hildegard entre à huit ans au couvent du Disibodenberg près de Bingen. Elle devient abbesse de ce grand monastère double - moines et moniales - en 1136, à seulement trente-huit ans. 

 

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G. Ch. Joannis, gravure sur cuivre, 1724

 

Ses écrits visionnaires sont approuvés et lus en public par le pape Eugène III lors d'un synode à Trèves en 1147 et Hildegard reçoit le soutien fidèle du cistercien Bernard de Clairvaux.

 

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Scivias, Heidelberg, Cod. Sal. X,16, f°4r, XIIe s.

 

 

 

 

 

 

En 1151, elle achève le Scivias, un grand ouvrage en trois parties décrivant ses visions, richement illustré par une trentaine d'enluminures, et devient rapidement célèbre dans toute l'Europe. 

 

De 1151 à 1158, elle rédige deux ouvrages de sciences naturelles : Physica et Causæ et curæSa connaissance des plantes médicinales et ses conseils de santé font d'elle une guérisseuse reconnue.

 

Si les textes de ses chants sont imprégnés de sa théologie visionnaire, ils font également très souvent référence aux quatre éléments, aux plantes, aux animaux, aux pierres précieuses...

 

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Sequentia de sancto Maximino

 

La colombe aperçut à travers le treillage de la fenêtre,

suintant devant elle, le baume qui s’épanchait de Maximin, le lumineux.

La chaleur du soleil s’embrasa et resplendit dans les ténèbres,

alors une pierre précieuse apparut pour édifier

le temple très pur du cœur aimant.

Il est la tour élevée, faite de bois du Liban et de cyprès,

ornée d’hyacinthe et de sarde,

la cité surpassant l’art des autres artistes.

Ce cerf rapide courut à la source d’eau très pure

coulant de la pierre très solide, irriguant de suaves aromates.

Ô parfumeurs qui êtes dans la très douce viridité des jardins du Roi,

montant dans les hauteurs quand vous accomplissez

les saints sacrifices des béliers.

Parmi vous rayonne cet artiste, tel le mur du temple,

qui a désiré les ailes de l’aigle,

embrassant sa nourrice, la Sagesse,

dans la glorieuse fécondité de l’Église.

Ô Maximin, tu es montagne et vallée

où tu apparais également comme le haut édifice

d’où le capricorne sortit avec l’éléphant

et où la Sagesse fut dans les délices...

 

 

Hildegard, à la tête d'une communauté toujours plus nombreuse se trouvant à l'étroit au Disibodenberg, fonde un nouveau monastère féminin au Rupertsberg, à partir de 1150, puis une filiale à Eibingen.

 

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Le Rupertsberg, Daniel Meisner, gravure, vers 1620

 

Elle diffuse ses poèmes chantés entre 1150 et 1160. La Symphonia harmoniæ celestium revelationum - symphonie de l’harmonie des révélations célestes - est un recueil de près de quatre-vingts pièces de chant pour l’office monastique et la messe destinées à sa communauté religieuse ou répondant à des commandes de monastères voisins.

 

Elle laisse aussi un drame liturgique, l'Ordo virtutum, composé sans doute pour la consécration de l'abbaye du Rupertsberg, des écrits théologiques, des vies de saints et des prédications.

 

Plusieurs centaines de lettres témoignent de son implication dans la vie religieuse - elle correspond avec papes et prélats - et politique de son époque : elle sermonne Frédéric Barberousse, Henri II d'Angleterre et Aliénor d'Aquitaine, elle réconforte Irène de Byzance.

 

Dans les dernières années de sa vie, Hildegard sort de son couvent  et entreprend d’exténuants voyages de prédication. 

 

En 1163, après un séjour à Trèves, elle rejoint Metz par bateau sur la Moselle. Même s’il n’y a pas trace de sa prédication à la cathédrale, on l’imagine foulant le sol de la belle crypte romane ou rendant visite aux savantes moniales de Saint-Pierre-aux-Nonnains.

 

Elle meurt au Rupertsberg en 1179.

 

O ignee spiritus

hymne de Hildegard de Bingen

 

 

par la Scola Metensis

avec Marie-Christine Barrault, récitante

enregistrement public du 14 septembre 2012

pour le Festival de Fénétrange (Moselle)

 

 

Ses compositions auraient pu faire d'Hildegard une héritière du chant grégorien qu'elle pratiquait sans nul doute dans son monastère, mais la charpente modale des pièces et leur déploiement mélodique résistent à la comparaison.

 

L'écriture mélismatique est particulièrement impressionnante : la vocalise se déploie, nourrie par les notes-pivots du mode, évoluant en spirale, avec des alternances d’élan et de repos.

 

Les deux manuscrits musicaux qui ont servi pour ce concert – le codex conservé à Dendermonde, que Hildegard a elle-même supervisé, et le Riesencodex de la bibliothèque de Wiesbaden - témoignent de cette vivacité créatrice : les neumes dégringolent en cascade, les grands intervalles jaillissent de la plume comme des jets d’eau.

 

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La comédienne Marie-Christine Barrault, tout au long du programme, prête sa voix à Hildegard. C'est la seconde fois qu'elle collabore avec la Scola Metensis.

 

Un organetto, joué par Alban Thomas, ponctue la trame narrative de son contrepoint improvisé ou déroule quelques pièces du répertoire médiéval, essentiellement de l'École Saint-Martial de Limoges qui rayonna dans toute l'Europe à l'époque romane.

 

Marie-Reine Demollière

 

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Commentaires: 7
  • #1

    michèle (dimanche, 23 février 2014 09:56)

    Merci pour ce billet " o ignee spiritus "

    a cet après-midi, au concert avec la Scola et M.Christine Barrault

    Amicalement

  • #2

    MBM (dimanche, 23 février 2014 17:58)

    Merci Hildegard et merci la Scola et ses deux invités pour ce magnifique concert.
    Brigitte.

  • #3

    Vincent FORTUNA (dimanche, 23 février 2014 18:14)

    1h15 de bonheur intense. J'en ai eu la chair de poule au final.
    Il y a des moments dans la vie où il nous arrive de côtoyer le sublime. Ce concert en est une preuve.
    Vivement le "bis repetita" !

  • #4

    cegm-metz (lundi, 24 février 2014 14:12)

    Grand merci, Michèle et Brigitte, pour votre fidélité. Ce fut un moment très fort pour la Scola.
    Nous nous en dirons plus ce soir :-)

  • #5

    cegm-metz (lundi, 24 février 2014 19:26)

    Merci beaucoup, Vincent Fortuna, de ces quelques mots.
    De notre côté, nous avons très fortement ressenti la concentration du public et l'émotion était palpable, particulièrement, comme vous le dites, à la fin du concert, lorsque Marie-Christine raconte la mort d'Hildegard.
    Comme bis repetita, nous redonnerons ce programme à Paris le 12 avril puis à nouveau en septembre dans un festival au Luxembourg :-)

  • #6

    Marie-Andrée (dimanche, 13 avril 2014 09:18)

    Merci pour ce beau programme que nous avons découvert à notre tour hier soir au Musée de Cluny. Encore une fois la Scola nous a offert des moments d'émotion intense. J'étais émerveillée par la qualité des unissons.
    Bravo aussi à Alban Thomas pour ses évocations à l'organetto et à Marie-Christine Barrault, superbe, qui a fait revivre Hildegarde.

  • #7

    cegm-metz (vendredi, 18 avril 2014 10:45)

    C'est moi qui te remercie, Marie-Andrée, de ta présence fidèle à Cluny.
    Nous étions très heureux, et particulièrement Marie-Christine, de pouvoir redonner ce concert dans le si beau cadre du Musée.
    À bientôt le plaisir de chanter ensemble à Metz.
    Bien à toi,
    Marie-Reine