L'ange aux six ailes d'or

Blog Scola Metensis-sacramentaire de Drogon

 

Voici une enluminure qui ne ressemble à nulle autre parmi celles, très nombreuses, du Sacramentaire de Drogon, réalisé dans les ateliers messins vers 845, et qui, face à l'initiale richement décorée évoquée récemment, offre à notre admiration un diptyque en tous points remarquable.

 

 

Cliquez sur les images pour les agrandir.

 

Ce séraphin aux six ailes ocellées illustre le Sanctus de la messe romaine, au texte entièrement noté en capitales rustiques, à l'encre d'or, avec des abréviations pour la première ligne.

 

Dans tout le Sacramentaire, c'est, occupant une pleine page, la seule enluminure indépendante d'une initiale majuscule.

 

 

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L'ange symbolise les troupes célestes convoquées dans les dernières phrases de la préface introduisant le Sanctus, décrit à l'époque médiévale comme l'hymnus angelicus que chantent ensemble le chœur des anges et le chœur des assemblées terrestres, moment impressionnant où le totus populus se joint au célébrant, ainsi que Charlemagne le rappellera dans l'Admonitio generalis :

 

Ipse sacerdos, cum sanctis angelis et populo Dei, communi voce,

Sanctus, Sanctus, Sanctus decantaret. 

 

Dans son Liber officialis (III, 22), Amalaire, chantre et liturgiste messin († 850), précise - ce qui n'est pas sans incidence sur la manière de chanter - qu'à l'intonation du Sanctus, tous s'inclinent, ceux qui sont en arrière et ceux qui sont en face :

 

Post hymnum inchoatum Sanctus, sanctus, sanctus,

inclinant se et qui retro stant et qui in facie.

 

 

Les trois paires d'ailes du séraphin sont disposées de façon à dessiner une croix. Les ailes attachées aux épaules débordent du cadre décoré de feuilles d'acanthe dorées.

 

La tête de l'ange et les trois animaux qui l'entourent (lion, aigle et taureau) dessinent un tétramorphe, symbole des quatre évangélistes habilement représenté par le talentueux imagier du Sacramentaire en référence directe au livre de l'Apocalypse, dont des versets du chapitre 4 donnent le texte de la première acclamation du Sanctus (Ap. 4, 6-7).

 

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Dans les manuscrits médiévaux, les représentations de séraphin en pleine page ne sont pas fréquentes. En voici deux :

 

Blog Scola Metensis-manuscrit anglais

Cambridge, Corpus Christi College, ms 66, f° 100, XIIe siècle.

 

Blog Scola Metensis-manuscrit anglais

 Londres, British Library, ms 3244, f° 28v, vers 1236.

 

 

 

Marie-Reine Demollière

 

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Commentaires: 2
  • #1

    Jean-Christophe / Passée des arts (jeudi, 26 septembre 2013 17:37)

    Chère Marie-Reine,

    J'ai traversé la Moselle et suis revenu quelques siècles en arrière pour venir ré-admirer ce fameux ange et ses cousins d'Angleterre qui tous témoignent de la fabuleuse capacité d'invention des imagiers médiévaux et surtout, n'en déplaise au XIXe siècle qui prétendait retrouver une prétendue pureté des origines dans la blancheur d'édifices soigneusement (hélas) nettoyés, de leur goût pour la couleur, évident jusqu'à la jouissance dans les trois exemples que vous avez choisi.

    Un grand merci pour ce diptyque consacré au Sacramentaire de Drogon pour lequel je sais votre tendresse et bien des bises affectueuses.

  • #2

    cegm-metz (samedi, 28 septembre 2013 16:25)

    Grand merci, cher Jean-Christophe, de laisser ici vos impressions de traversée. Je ne vous redirai pas mon inextinguible admiration pour ce Sacramentaire sauf pour vous remercier de m'avoir encouragée à risquer "d'entrée de blog" un billet-dyptique sur cet éblouissant double-folio dont la reproduction photographique ne peut vraiment restituer les ors.
    J'aime beaucoup aussi les cousins anglais, quoique plus tardifs : il y a de quoi lire sur les ailes ;)
    Moult bises affectueuses pour votre fin de semaine et à demain ici pour un nouveau, et très différent, billet "angélique" :-)