Lapidaverunt Stephanum

Blog Scola Metensis-Sacramentaire de Drogon
BnF, ms lat 9428, f°27r, vers 835

 

La Scola Metensis termine l'année 2014 avec un concert-création intitulé Lapidaverunt Stephanum.

Retrouvez-nous à Strasbourg, le 26 décembre à 16 heures, en l'église Saint-Louis (Finkwiller) ou à Metz le dimanche 28 décembre à 16 heures, en l'église Saint-Pierre-aux-Nonnains, dans le cadre de la saison de Musique ancienne de l'Arsenal.

 

 

 

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Lorsqu'Attila et sa horde de Huns, après une première tentative repoussée, pillent et incendient la cité de Metz le 7 avril 451, en pleine veillée pascale, égorgeant les prêtres devant les autels sacrés, ainsi que le relate l'historien Grégoire de Tours († 594), le seul sanctuaire en pierre encore debout est un oratoire dédié à saint Étienne. 

 

Blog Scola Metensis-Cathédrale-Metz

 

 

Cet édifice miraculeusement épargné connaît dès lors une grande popularité : il accueille le siège de l'évêque et devient la cathédrale primitive de la ville avant de connaître les transformations qui, au fil des siècles, lui donneront son aspect d'aujourd'hui.

 

Les premiers martyrologes indiquent la fête de saint Étienne au 26 décembre dès la fin du IVe siècle. À cette époque, l'Église a voulu commémorer les saints qu'elle considérait comme les plus importants – les Apôtres – dans les jours suivant la Nativité, avec une préséance pour le diacre Étienne, tout premier martyr chrétien, dont le culte se diffusa largement après la découverte de ses reliques près de Jérusalem en 415.

 

D'après les inventaires anciens, le trésor de la cathédrale messine conservait dans de somptueux reliquaires « des cailloux dont il avait été lapidé », une partie du bras et un fragment du crâne du saint.

 

Blog Scola Metensis-Sceau Cathédrale-Metz
Ancien sceau de la cathédrale de Metz

Dans le cérémonial (XIIe - XIIIe s.) de la cathédrale de Metz, et encore de nos jours, la fête de saint Étienne est la grande fête des diacres. Ils sont à l’honneur aux divers offices de la journée et même dès les vêpres de Noël. Certains d'entre eux régissent le chœur (regant chorum), vêtus de chapes noires (in cappis nigris) ou de dalmatiques. À l'office de laudes, les diacres chantent l'hymne de leur choix, « parce que c'est leur fête » (quia eorum est festum). 

 

 

Le cérémonial prescrit aussi, pendant les psaumes du troisième nocturne des matines, d'allumer la couronne (debet corona accendi), hommage tout particulier au saint dont le nom vient du grec Stephanos, la couronne.

 

La corona magna était un luminaire monumental d'une centaine de bougies, d'or, d'argent et d'airain, suspendu au milieu du chœur, à décor de tourelles, tel celui qu'on peut voir encore en la chapelle palatine d'Aix-la-Chapelle. Celui de Metz était orné de pierres précieuses avec, sur le pourtour, une longue inscription en vers à la gloire d'Étienne. Il fut sottement détruit en 1754.

 

Les chants liturgiques en l'honneur du protomartyr Étienne frappent par leur intensité dramatique et leur richesse expressive. La Scola Metensis a construit son programme en deux parties, donnant à entendre des chants de l'office puis de la messe du jour avec, en fil rouge, une « épître farcie », du célèbre graduel de Fontevraud

 

Blog Scola Metensis-manuscrit de Fontevraud
Limoges, Bfm, ms 2, f°29r, graduel de Fontevraud, vers 1250

 

Le texte latin de l'épître, tirée des Actes des Apôtres, relate le martyre du saint et reçoit après chaque verset sa traduction en français sous forme versifiée. Le poème compte 134 vers octosyllabiques qui riment par deux, sauf les huit premiers. 

 

 

Blog Scola Metensis-Lapidation de saint Étienne
Munich, BSB, Clm 14345, f°1v, vers 851

 

 

L'hymne Sancte Dei preciose, qui ouvre le concert, est transcrite du bréviaire de la cathédrale de Metz (XIIIe s.). Elle était chantée dès le soir de Noël à complies.

 

L'antienne Hesterna die est, dans ce même bréviaire, la toute première antienne des matines. Son texte fait le lien avec la joyeuse fête de la veille : « Hier le Seigneur est né sur la terre comme aujourd'hui Étienne est né dans les cieux. »

 

 

 

 

Le répons Sancte Dei preciose était chanté à plusieurs reprises, notamment avant l’office de tierce et pendant la procession d’entrée à la cathédrale avant la messe. Il est remarquable, tout comme les autres répons du programme Lapides torrentis et Preciosus athleta Domini, par la très longue vocalise qui en orne le dernier mot.   

Blog Scola Metensis-manuscrit de Verdun

 

 

L'alléluia Ecce inquit Stephanus, cité par le cérémonial messin, est très rare dans les manuscrits de chant grégorien. Nous l'avons pisté dans un missel du XIIIe siècle de la cathédrale de Verdun en écriture messine sur lignes. La mélodie est calquée sur celle de l'alléluia de la Pentecôte Veni sancte spiritus

 


La séquence Congaudent angelorum chori fut originellement composée pour l'Assomption par le moine de Saint-Gall Notker le Bègue († 912) mais à Metz, elle était chantée aussi après l'alléluia de la Saint-Étienne, entonnée par les diacres, puis à deux chœurs alternés. 

 


 

L’offertoire Elegerunt apostoli est une survivance du vieux chant des Gaules franques. Nous le présentons dans une interprétation quelque peu théâtralisée avec la vox narrativa confiée à un petit chœur et un soliste chantant les paroles d’Étienne. 

Quelques très beaux chants de manuscrits non-messins complètent le programme.

 

Letamini plebs hodie, de l'École Saint-Martial de Limoges, est un trope de Benedicamus Domino (salut final de l'office) qui loue en Étienne l'illustre guide des martyrs.

 

L’étonnant conduit à trois voix Ortus summi, avec son pétillant refrain Eya, eya, est un unicum d'un manuscrit de Florence (XIIIe s.), fleuron du répertoire de l’École Notre-Dame de Paris.

 

De cette même école parisienne, un alléluia très développé à deux voix, Video celos apertos, reprend les dernières paroles d'Étienne : « Je vois les cieux ouverts. »

 

 

Blog Scola Metensis-concert Lapidaverunt Stephanum
BnF, lat 9448, f°10v, vers 975

 

En fin de programme, la séquence Heri mundus exultavit d'Adam de Saint-Victor († 1146), à la versification éblouissante, joue sans cesse sur les sonorités des mots. Les épisodes de la vie du saint, son martyre et ses miracles sont retracés avec brio ; Jean-Baptiste et même saint Augustin sont convoqués. La mélodie, vraisemblablement composée à partir de chants populaires à l'époque, en est joyeuse et de nombreux motifs mélodiques se retrouvent dans d'autres séquences, telle Urbs aquensis, récemment chantée par la Scola dans son programme Charlemagne et le chant messin.

 

 

Le concert se termine sur un motet de Palestrina, musicien admiré en son temps et modèle pour les compositeurs qui, au XIXe siècle, ont écrit pour l'église.

 

Marie-Reine Demollière

 

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Commentaires: 2
  • #1

    Anne (mercredi, 31 décembre 2014 11:41)

    Chère Marie-Reine,
    merci pour ce très beau billet stéphanois...
    un prélude à quelques développements alto-médiévaux consacrés à notre saint Etienne préféré?
    amicales pensées, et à très vite en 2015!

  • #2

    cegm-metz (vendredi, 02 janvier 2015 14:34)

    Chère Anne,

    Merci à toi pour la visite ici et ton commentaire.
    Oui, notre Étienne sera à l'honneur à nouveau ici, tout bientôt ;)
    Très belle année 2015 à toi, avant les vœux de vive voix.